Le bonheur d'un homme

 
Il se ménage tellement
 
Il a si peur des couvertures
 
Les couvertures bleues du ciel
 
Et les oreillers de nuages
 
Il est si couvert par sa foi
 
Il craint tant les pas de travers
 
Et les rues taillées dans la glace
 
Il est trop petit pour l'hiver
 
Il a tellement peur du froid
 
Il est transparent dans sa glace
 
Il est si vague qu'il se perd
 
Le temps le roule sous ses vagues
 
Parfois son sang coule à l'envers
 
Et ses larmes tachent le linge
 
Sa main cueille les arbres verts
 
Et les bouquets d'algues des plages
 
Sa foi est un buisson d'épines
 
Ses mains saignent contre son coeur
 
Ses yeux ont perdu la lumière
 
Et ses pieds trainent sur la mer
 
Comme les bras morts des pieuvres
 
Il est perdu dans l'Univers
 
Il se heurte centre les villes
 
Contre lui-même et ses travers
 
Priez donc pour que le Seigneur
 
Efface jusqu'au souvenir
 
De lui-même dans sa mémoire.
 
 
 
PIERRE REVERDY.