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Israel

Les portes saintes se sont refermées. A Saint-Pierre, à Sainte-Marie-Majeure, à Saint-Jean de Latran, à Saint-Paul-hors lesmurs, comme nous les avons baisées avec ferveur, ces quatre portes de la miséricorde éternelle! Il n'y avait rien de plus émouvant, à Rome, que de pouvoir entrer chez Dieu par ces portes supplémentaires, ces portes irrégulières, ces portes d'exception, ces portes de grâce qui sont toute la psychologie divine de la Catholicité.

L'année jubilaire se proposait un triple but: obtenir la paix du monde, la réconciliation avec Rome des Eglises dissidentes et une organisation qui assurât en Palestine la préservation de la vraie Foi. Si ce triple but n'est pas encore atteint à l'heure actuelle, il convient de se dire que déjà beaucoup a été fait, car bien des volontés rétives sont ébranlées, les questions sont mieux posées et, peu à peu, on entrevoit des solutions possibles qui, naguère, semblaient littéralement utopiques.

Les desseins des hommes livrés à eux-mêmes n'ont pas eu de chance. En suivant l'orgueil national, en tournant le dos à l'unité romaine, en voulant échafauder des systèmes sociaux loin de la lumière de Dieu, on s'est dévoyé affreusement et, de tant d'expériences, - jusqu'à la dernière, l'expérience bolcheviste, - on est revenu rompu et meurtri. Cela donne à penser que les moyens employés n'étaient pas les bons. On s'aperçoit aujourd'hui que tout craque de partout. Seule reste, au centre, intacte, l'unité catholique.

Celle-ci est immuable et nous prenons plus sûrement que jamais conscience de sa force réelle.

Ce n'est pas pour rien que les conversions se multiplient dans les rangs des intellectuels, c'est-à-dire de ceux qui ont le plus abusé des charmes de l'esprit. Ils découvrent la sagesse de l'Eglise et l'univers pour eux acquiert un sens nouveau. Mais ils ne s'attendaient pas à un changement aussi radical! Ils constatent bientôt que l'Eglise non seulement leur refait une santé spirituelle, mais encore leur donne la manière d'envisager les problèmes effrayants. Qu'il s'agisse de la paix du monde, ou de la réunion des Eglises, ou de la situation de la Terre Sainte, quelle manière vaudrait mieux ,pour s'appliquer à résoudre ces graves questions, que la manière surnaturelle?

 

A Rome, et dans toute l'Eglise, je l'espère, on désire, avec une ardeur qui trouve pour s'exprimer un accent que l'on est tenté d'appeler nouveau, le railliement d'Israël à son Messie, l'acceptation par les

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Juifs dispersés de Celui qu'ils n'ont pas voulu pour Roi et que l'Eglise, à leur place, vient de solennellement nommer Roi de la terre.

Il faut parler des Juifs et Pie XI nous engage à parler d'eux sur un ton qui n'est pas le ton ordinaire, sur le ton surnaturel en un mot. Il ne s'agit plus de leur reprocher cette introduction souvent inopportune dans nos affaires européennes et nationales. Les soucis du Pape vont plus loin en profondeur, ce sont des soucis d'ordre religieux: ils priment tous les autres qui, d'ailleurs, en dépendent étroitement, puisque c'est au découragement religieux du peuple israélite, à la vasuité de ses tabernacles que nous devons son agitation fiévreuse dans la cité. son ambition démesurée, ses excès de toute espèce. Le Juif, en réalité, est né pour la prière et pour le témoignage, beaucoup plus que pour l'intrigue et la division. Mais il est temporairement sans Dieu, et c'est ce Dieu qu'il ne reconnaît pas, dans son aveuglement, que le Pape aujourd'hui, tel le Père de l'Enfant Prodigue, - le Pape qui est Céphas, - ne demande qu'à lui restituer.

‘Regardez enfin avec miséricorde les enfants de ce peuple qui fut jadis votre préféré; que sur eux aussi descende, mais aujour-d'hui en baptême de vie et de rédemption, le Sang qu'autrefois ils appelaient sur leurs têtes’. L'Eglise entière, dorénavant, prononce ces paroles étonnantes de la Consécration du genre humain au Sacré-Coeur de Jésus, dans le nouveau texte de Pie XI pui modifie assez peu par ailleurs celui de Léon XIII.

Les Juifs, sous les yeux de qui viendrait à tomber ce fragment de supplication ne pourront se défendre d'un mouvement de surprise et peut-être de trouble. Il y a bien longtemps que l'Eglise n'avait pas proclamé aussi ouvertement ses sentiments sacrés à l'égard du vieil Israël ‘qui fut Votre préféré’. Certes, les Juifs savent que la Papauté les a protégés dans tout le cours de l'histoire, que le ghetto de Rome était le plus habitable, ce ghetto devant la porte duquel se tient les bras ouverts le grand Christ que souligne la parole d'Isaïe: ‘J'ai étendu mes mains pendant tout le jour vers un peuple incrédule’.

Mais, s'ils se rappellent que la justice pour eux est possible à Rome, ils ignorent certainement avec quel coeur ils y sont aimés et attendus. Dans les hautes sphères romaines, si les Juifs pouvaient savoir comment on parle d'eux, quel profond respect on témoigne à leur Race, mais surtout quelle affection fraternelle on leur voue! Ce mot d'un rabbin converti, que citait dernièrement la Vie Catholique: Le judaïsme ne peut se réaliser que dans le catholicisme, un bon Juif doit nécessairement faire un bon catholique, et c'est pourquoi, moi, rabbin, je me convertis ....’ est une preuve admirable de ce que l'Eglise de Jésus-Christ ne cesse d'affirmer.

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Un grand cardinal que j'avais l'honneur de voir à Rome, ces tout derniers temps, le cardinal Van Rossum, ne me dissimulait pas ses sentiments apostoliques à cet égard. Ajouterai-je qu'il avait des larmes dans les yeux en abordant ce sujet qui lui tient particulièrement au coeur? C'est dire que l'on a confiance, dans l'entourage du Pape, en de merveilleux fruits de la prière et du sacrifice personnel. Le nombre des israélites qui rentrent dans le sein de l'Eglise est déjà un prodrome significatif. Mais les conversions les plus souhaitables sont celles de Juifs qui n'abandonnent pas, en devenant chrétiens, soit en couronnant de grâce leur judaïsme stérilisé, les frères qu'ils se comptent en Israël. C'est seulement par de telles dispositions d'âmes que l'on peut espérer un jour le conversion totale du peuple juif à laquelle il est fait allusion dans d'Epître aux Romains.

Durant le jubilé, nous savons qu'il a beaucoup été prié à l'intention des Juifs. Des oeuvres spirituelles fonctionnent pour hâter l'heure très désirée. Partout des messes sont dites, et quelques apôtres sont déja prêts à courir le monde. A Paray-le-Monial, en réponse. à la lampe dédiée au Sacré-Coeur pour le retour d'Israël, par deux célèbres Juifs convertis, les frères abbés Lemann, faut-il révéler qu'une ‘lampe vivante’, une religieuse de la Visitation demeure nuit et jour en prière pour le salut de ce peuple égaré, qui fut jadis le bien-aimé du Seigneur? On rève d'une Eglise juive catholique, semblable à l'Eglise grecque catholique, à l'Eglise slave catholique, à l'Eglise maronite catholique. Un jour, on entendra, soit à Jérusalem, soit ailleurs, en hébreu, la liturgie que Rome accordera sans doute à l'Enfant Prodigue. Et nul ne peut attester qu'un jour ne s'élèvera pas à nouveau, sur le Mur ruiné, sur le Mur des Pleurs, appelé ainsi parce que des générations et des générations l'ont baigné de leurs larmes, le Temple qui a été détruit et que Jésus se faisait fort de rebâtir en trois jours, le Temple où Israël, rendu à sa mission véritable, viendrait solennellement adorer son Messie, Jésus-Christ notre Roi.

 

STANISLAS FUMET