Alice Descoeudres
Pestalozzi révolutionnaire
Het is moeilijk in Pestalozzi den paedagogischen hervormer van den socialen hervormer te scheiden. Omdat hij het volk, dat hij van zijn ellende wilde bevrijden, zeer beminde, eischte hij, zoowel in de school als in de maatschappij, hervormingen, die nu, honderd jaar na zijn dood, nauwelijks beginnen door te dringen.
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Es ist bei Pestalozzi schwierig den pädagogischen Reformator vom sozialen Reformator zu trennen. Weil er das Volk, das er liebte, von seinem Elend befreien wollte, forderte er, sowohl für Schule wie Gesellschaft, Reformen, die jetzt, hundert Jahr nach seinem Tode, kaum durchzudringen beginnen.
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It is difficult to separate Pestalozzi the Pedagogic reformer from the Social reformer. Since he loved the people whom he wished to free from their sad state he demanded reform in the school as well as in society, which now hundred years after his death has only just begun to penetrate.
En une page de ses ‘Lachende Wahrheiten’ Spitteler déplore tout ce qui peut se débiter de mensonges en ces ‘Lessives séculaires’ que sont les centenaires. Après ces exhibitions à base décimale ‘la patiente victime est de nouveau vouée à l'oubli et doit attendre une nouvelle période décimale’. ‘Alors on enlève de nouveau la poussière sur le cadavre et l'on commence à l'encenser de façon encore plus éhontée et ainsi en va-t-il de siècles en siècles. Amen.’
Si c'est vrai souvent, ne faut-il pas cependant se réjouir de ce que les grands esprits sortent parfois de l'ombre de l'oubli pour réchauffer et inspirer ceux qui modestement suivent de loin leurs traces?
On a dit qu'il suffisait d'entreprendre l'éducation d'un enfant pour devenir révolutionnaire tant la vie sociale comprime, heurte, étouffe à chaque instant les exigences morales de l'éducation. Rien d'étonnant à ce que celui qui fut avec tant de dévouement le père et la mère des orphelins eût en son coeur les saintes ardeurs de révolutionnaire. Rien d'étonnant non plus à ce qu'il soit plus souvent présenté sous la première de ces deux faces....
‘Ma méthode doit amener les hommes à s'aider eux-mêmes’, tel un volant qu'il suffit de mettre en mouvement pour qu'il continue sa marche. Le grand ami des enfants comme tous ceux qui, en foule, viennent admirer son oeuvre, s'étonnent de voir s'éveiller si tôt chez les enfants le sentiment de la perfection, celui de leur force, leur bonheur de se former eux-mêmes et tout aussi vite, le sentiment élevé de pouvoir contribuer au bonheur des autres hommes: ‘Tu as entendu ce bourdonnement collectif, écrit-il à un ami, tu as vu ce zèle et cette joie. J'ai vu tes larmes et dans mon coeur bouillait la rage contre les hommes qui osent prétendre que l'ennoblissement du peuple n'est qu'un rêve’.
C'est qu'il y a enseignement et enseignement. Et la beauté de ce qu'il avait sous les yeux force Pestalozzi à vitupérer contre le ‘fatras de nos écoles publiques qui, non seulement ne nous donne rien, mais encore éteint en nous ce que tout sauvage possède à un degré dont nous ne nous faisons aucune idée.’ Tout ce qu'on a su offrir au peuple ‘se réduit en une nuée dont l'obscurité humide ne peut ni sécher ni mouiller’....‘Les Indous ne pouvaient pas faire davantage pour maintenir éternellement stupide et asservie leur dernière classe sociale.’ Et il compare l'enseignement du peuple à un grand édifice dont l'étage supérieur brille d'un éclat élevé mais n'est habité que par un petit nombre d'hommes; les étages du milieu sont déjà plus habités, mais il manque d'escalier et quand ses occupants veulent se hisser, on les frappe, parfois on va jusqu'à les mutiler; enfin tout en bas un troupeau innombrable, égal en droits, git dans une obscurité répugnante: en les abandonnant et en les éblouissant, on rend leurs yeux incapables de voir les étages supérieurs.’
Or pourquoi Pestalozzi tient-il tant à cette ‘intuition, seul fondement de la connaissance,’ à cette vérité qui découle de l'expérience, c'est qu'elle produit chez l'homme une force nouvelle qui ferme la route à l'entrée des préjugés et de l'erreur: ‘le silence de ma méthode fait plus, contre eux, que les bavardages sans fin dont on s'est rendu coupable.’
C'est sa méthode d'éducation qui seule délivrera le peuple de sa misère: ‘Depuis longtemps, dès mes jeunes années, mon coeur battait tel un fleuve impétueux uniquement dans
le but de tarir les sources de la misère....j'ai aimé le peuple et je l'ai senti misérable comme peu l'ont senti misérable, car j'ai porté ses souffrances comme peu les ont portées.’ Son expérience de la grande et simple fidélité du peuple, son estime pour ses forces morales, il l'avait puisée dans sa vie même, tout jeune, à la mort de son père, puis plus tard dans une heure sombre, après l'échec de son premier asile d'enfants à Neuhof, deux fois de braves servantes étaient intervenues comme sauveurs dans sa vie; à la seconde, il soumettait ses écrits; en elle l'âme du peuple était près de lui. ‘Je me retournerais dans ma tombe et je ne pourrais pas être heureux au ciel, si je n'étais pas certain qu'après ma mort, elle sera plus honorée que moi-même; car, sans elle, il y a longtemps que je ne serais plus.’ L'expérience lui avait appris les trésors de sagesse des humbles: ‘la détresse et les nécessités de la vie contribuent à faire saisir aux hommes les rapports réels des choses.’
Aussi c'est pour les riches et les pauvres qu'il déplore l'éloignement où les tiennent les uns des autres les moeurs païennes de notre temps quand, le coeur oppressé, il se demande: ‘Pourquoi si peu voient-il la misère?’ il répond: ‘c'est parce que ceux qui ont le plus besoin d'aide vivent trop au-dessous de ceux qui seraient le plus en état de les aider.’ Combien petite est la différence du puissant à celui qui mendie au bord du chemin, combien ils sont pareils essentiellement...Non le fils du misérable, de l'homme perdu, du malheureux n'est pas là seulement pour faire tourner une roue dont le mouvement doit élever un fier bourgeois, non ce n'est pas pour cela qu'il est là! Combien mon coeur se révolte à cet abus de l'humanité!
Et si grande est sa foi dans la culture des forces bonnes qu'il en arrive au grand scandale de nos temps d'hygiène à ne craindre pour les enfants pauvres, ni les habits et les demeures malpropres, ni le travail prolongé, ni l'humidité de la chambre de tissage: ‘Ce n'est que par sa force à supporter facilement le mal que le pauvre peut s'élever à le vaincre et à le dominer; en éteignant en lui le vain désir de paraître qui ne lui convient pas, je l'élève à la force de la grandeur intérieure qu'il a le droit de revendiquer et au sein de l'abaissement de ses conditions extérieures, je lui donne le sentiment de sa dignité, il se sent lui-même un homme dans tout le sens du mot.’
On reste confondu de voir dans combien de domaines Pestalozzi se montre un précurseur. Cent ans avant que naisse le mouvement antialcoolique, que de fortes paroles dans ‘Léonard et Gertrude’ contre cette servitude de l'homme: ‘Le tondeur dit à Hummel, le sous-bailli aubergiste: Maître bailli, ça ne doit pas vous étonner qu'on puisse beaucoup travailler de ses deux mains et qu'on ne gagne cependant que peu; mais qu'en ne faisant rien de ses deux mains on puisse gagner beaucoup d'argent, cela ne devrait pas vous étonner.’ Et ce cri de Gertrude victime: ‘O Seigneur, si vous saviez comme un seul soir dans ces maisons (auberges) peut amener les gens sous le joug et dans les embarras dont il est presque impossible de sortir!’
La question du crime, prenant racine dans la vie morale et économique du peuple, le pré-occupe aussi: ‘Image de la justice, aveugle des yeux, sourde des oreilles et paralysée des pieds, je ne veux plus du tout parler avec toi!’ Et cent ans avant qu'on commence à appliquer la reforme pénale, il s'en fait l'éloquent défenseur: ‘La prison, la maison de correction ou de travail ne sont et ne doivent pas être autre chose que les écoles conduisant l'homme égaré dans la voie et l'état où il aurait été sans son égarement.’
Et l'injustice n'est-elle pas à la base du crime? ‘Nos législations se sont élevées à une telle hauteur qu'il leur est impossible de penser aux hommes. Qui ne jouit pas des biens de ce monde est d'avance oublié. Il est certain....qu'on laisse accumuler aux riches leur possession d'une manière qui remplit le monde d'êtres misérables, profondément tarés. C'est vrai aussi quand les conséquences de cette corruption du peuple deviennent visibles, alors on jette la faute sur ceux qui ont été corrompus, et non sur ceux qui les ont corrompus et continuent grâce à leurs privilèges à organiser mille circonstances dans lesquelles le peuple doit nécessairement devenir mauvais.’
HEINRICH PESTALOZZI
NAAR EEN SCHILDERIJ 1811
Aussi Pestalozzi réclame le travail obligatoire longtemps avant qu'il fût institué en Russie. ‘Tous les habitants à qui leur manière de vivre et leur carrière ne peuvent procurer l'entretien dont ils jouissent et le luxe qu'ils déploient doivent être considérés comme un danger permanent et rester sous une surveillance étroite concernant leur train de maison et leurs moyens d'existence. L'oisiveté doit être envisagée comme un crime d'Etat et sa persistance punie comme un délit continu contre la sécurité du pays.’
Antimilitariste avant la lettre, Pestalozzi en constatant combien l'action a été négligée au profit de la parole, déplore que ‘la seule culture publique des peuples d'Europe, dans le domaine de l'activité manuelle soit le meurtre des hommes dont l'organisation engloutit tout ce dont on pressure le peuple.’ Ailleurs il ne montre aucune tendresse pour les aumoniers militaires pas plus que pour les ecclésiastiques en général auxquels il reproche de ‘ne pas dire que, comme citoyen aussi, tu as à obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes.’ Mais c'est toujours à la grande idée éducatrice qu'il revient: ‘Napoléon a sacrifié sans scrupule l'homme à l'Etat. Il a pu faire cela parce que l'humanité s'est montrée faible. La plus haute tâche d'un nouveau gouvernement, c'est de la fortifier. Pour cela il lui faut suivre le chemin de l'éducation et cela dès le début de l'éducation élémentaire’.
Aussi avec de telles conceptions rièn d'étonnant à ce que, lorsque la révolution éclata, le grand pédagogue l'accueillit tel un orage prévu et attendu: ‘La chose paraît claire, écrit-il, comme les hommes voyaient qu'on avait arraché tout le duvet de leurs nids et qu'il n'y avait plus que des épines qui les écorchaient et faisaient mourir leurs enfants; ainsi ils ne pouvaient plus faire autre chose que de s'envoler de leurs nids et pour leur salut aller nicher ailleurs, dans les nids étrangers qu'ils trouvaient vides ou pouvaient faire vider et ceci pour considérer leur droit, c'est-à-dire que dans ces circonstances, ils devaient fatalement être conduits vers les concepts mystiques de la liberté naturelle et de l'égalité des hommes.’
Malgré la sensibilité de son coeur, Pestalozzi garda toujours une vue nette de ce que la Révolution apportait de grand, malgré ses excès: ‘Notre temps est un chaud jour d'été par lequel les fruits de la terre parviennent à maturité sous le tourment et la grèle. Du reste la pire cruauté existait auparavant; elle n'a fait que venir au jour’. Et il aperçoit le germe de tout renouvellement dans le renouvellement de chaque citoyen: ‘Toute violence, toute force conduit à la violence et à l'injustice: L'esprit de la Révolution doit disparaître mais aussi la dernière ombre d'injustice qui l'a provoquée doit disparaître avec elle.’
Et désireux de servir la Révolution mieux qu'en paroles, de montrer aux hommes opprimés en ces temps de désarroi, le chemin qui conduit à la vie, il s'écrie: ‘Je veux être maître d'école’ et avec toute la chaleur de son coeur aimant, avec son génie pédagogique devançant lui aussi de cent ans les inventions de ses successeurs, il se penche sur les petits enfants pour en faire les êtres libres et forts capables de transformer le monde.