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Henri Lasserre
Une experience d'association communautaire
La Colonie de Llano, en Louisiane

Van tijd tot tijd ontstaan in alle landen communistische kolonies: pogingen om den loondienst af te schaffen door gezamenlijke organiseering van het economische leven. De auteur beschrijft het ontstaan en het werken van een der oudste der hedendaagsche bestaande kolonies: de Llano-kolonie te Louisiane (Californië), die in 1914 werd gesticht om aan te toonen, dat het systeem van coöperatieve associatie, het leven in gemeenschap en collectief werk in het algemeen belang, praktisch mogelijk en wenschelijk was. Kortom, een realisatie van de Socialistische Republiek in het klein.
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Von Zeit zu Zeit entstehen in allen Ländern kommunistische Kolonien: Versuche, den Lohndienst abzuschaffen durch gemeinschaftliche Organisation des wirtschaftlichen Lebens. Der Verfasser beschreibt Entstehen und Wirken einer der ältesten der heute bestehenden Koloniën: Die Llano-Kolonie in Louisiana (Californien), die 1914 gegründet wurde um zu zeigen, dass das System der cooperativen Vereinigung, des Lebens in Gemeinschaft und kollectiver Arbeit im allgemeinen Interesse praktisch möglich und wünschenswert sei. Kurz, eine Verwirklichung der sozialistischen Republik im kleinen.
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From time to time there arise in all coutries communistic colonies: Attempts are made to abolish paid services by organising in common the economial life. The author describes the origin and the working of one of the eldest at present existing colonies: the Llano-colony at Louisiana (California), which was founded in 1914 to prove that the system of cooperative association, community life and collective work in the general interest, was practically possible and desirable. In short, a realisation of the Socialistic Republic in small.

Ici et là, en Angleterre, aux Etats-Unis, et dans plusieurs parties de l'Europe continentale, il surgit depuis quelques années de petits groupements de travailleurs hantés par le désir d'organiser leur vie économique en commun, sur une base scientifique, rationnelle. Leur espoir est de s'affanchir ainsi des tenailles du salariat.

Quelques-uns de ces groupements se sont déjà jetés à l'eau: ils se sont établis sur quelque domaine dont ils avaient réussi à s'assurer la possession prolongée, et ils se sont mis à l'oeuvre pour en entreprendre la culture et y créer des industries, exploitées collectivement dans l'intérêt égal de tous.

Serait-ce là les premiers jalons d'un ordre social nouveau, naissant par en bas des besoins mêmes des travailleurs? Un ordre social qui serait formé d'une multitude de communautés surgissant au sein même de l'ambiance capitaliste, mais qui peu à peu créeraient entre elles des liens fédératifs toujours plus étendus?

Llano est une de ces petites communautés naissantes, la plus ancienne peut-être de celles actuellement en activité: elle compte douze ans d'existence. Nous y avons passé quelques jours le printemps dernier, et, malgré que l'entreprise soit encore dans la période préliminaire d'installation et de constructions, il nous a paru que plusieurs des expériences qui se font là-bas peuvent servir à d'autres, à ceux qui seraient désireux peut-être de s'unir à une organisation de ce genre ou même de fonder une nouvelle colonie sur des principes analogues: à ceux tout au moins qui voudraient soutenir ces efforts épars pour la libre association communautaire.

1. Intentions des fondateurs de Llano.

La colonie de Llano nous apparaît donc comme constituant en elle-même une unité matérielle et limitée. - encore il est vrai dans l'enfance de sa formation, - destinée, dans l'esprit de ses membres, à devenir l'un des éléments d'un système décentralisé d'organisation sociale, d'un système composé d'une multitude de communautés autonomes liées entre elles par des liens fédératifs.

Mais remarquons tout de suite qu'à son origine cette entreprise avait un tout autre objectif. Job Harriman, le fondateur, était un leader socialiste de San Francisco, imbu de marxisme à cette époque (il avait évolué plus tard), fort populaire et très écouté il y a

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vingtaine d'années. Son rêve d'alors était l'avènement de la République socialiste une et universelle, du Co-operative Commonwealth comme il disait, selon la conception usuelle des disciples américains de Marx. Et pour s'y acheminer il préconisait la combinaison des efforts accomplis tant sur le terrain politique, qui était le sien, que sur le terrain du syndicalisme.

Mais il sentit la nécessité de faire plus pour convaincre ses concitoyens de tous les avantages que devait leur apporter l'organisation universelle des travailleurs, sur une terre devenue le patrimoine collectif de ceux-ci. A l'action législative des politiciens, à la lutte économique des syndicats, il voulut ajouter une démonstration expérimentale de la doctrine socialiste.

Dans son manifeste du 1er mai 1914, manifeste qui devait donner le jour à la colonie de Llano, Harriman faisait appel aux travailleurs ‘qui avaient foi dans les principes fondamentaux du Co-operative Commonwealth’; et il se donnait comme objectif de ‘montrer au monde que le système d'une association coopérative universelle des travailleurs, entraînant la vie en commun et le travail collectif dans un intérêt commun, était pratiquement possible et désirable’.

En un mot, Llano devait être une République socialiste en miniature.

Cette conception a bien changé. Le general manager de la colonie nous disait lors de notre visite qu'il ne voudrait pas voir la population de la communauté dépasser le maximum de cinq cents habitants (elle n'en compte guère plus de deux cents à l'heure qu'il est), et que d'autre part il appelait de tous ses voeux la création d'autres groupes analogues et autonomes, dans le voisinage, avec lesquels des liens fédératifs puissent s'établir. Voilà, n'est-ce pas, qui sonne tout autrement, et qui nous rapproche bien du système de décentralisation dont nous parlions tout à l'heure et vers lequel les esprits de notre époque tendent à s'orienter. On peut dire qu'aujourd'hui, contrairement à l'intention première de son fondateur, la colonie de Llano ne prétend plus aucunement offrir au monde le spectacle d'un Co-operative Commonwealth en miniature, mais qu'elle s'achemine, plus ou moins consciemment, à constituer une unité bien consistante et solidement organisée dans une chaîne indéfinie d'autres unités analogues dont elle entrevoit et appelle la création successive.

Mais malheureusement la fausse conception qui fut au point de départ s'est reflétée dans les institutions et dans les méthodes adoptées à la colonie, et ce sera pour cette dernière une tâche longue et difficile que de s'en affranchir graduellement. Elle pourra y parvenir cependant avec le temps.

2. Historique de la Colonie.

C'est donc en 1914 que Job Harriman lança son manifeste, invitant tous ceux qui se sentaient en sympathie avec ses idées à ‘faire la preuve de leur foi et de la force qu'ils y puisaient en s'associant pour la réalisation pratique et immédiate de leurs principes’.

Beaucoup répondirent à l'appel: des intellectuels, des travailleurs manuels; un certain nombre aussi d'artistes et de rêveurs, idéalistes dépourvus du sens des réalités pratiques et dont la présence à la colonie contribua largement aux égarements de la première période.

Les ressources nécessaires pour le coût du premier établissement et pour le fonds de roulement furent bientôt trouvées; l'on mit la main sur un vaste domaine, en Californie, et quelque temps après les premières centaines de colons arrivaient.

Ils vinrent trop vite, et en trop grand nombre. La colonie n'était pas prête à les recevoir, l'installation était trop peu avancée et l'organisation encore trop instable. Ajoutez à cela que le domaine se trouvait être déplorablement peu favorable à la culture, que l'eau potable était insuffisante pour une pareille affluence, et qu'à bien d'autres égards il manquait des conditions voulues pour un site de colonie ou de village.

L'on ne s'en mit pas moins hardiment à l'oeuvre. Des constructions surgirent bientôt, et

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UNE MAISON DE COLONS

autour d'elles des jardins: les travaux d'aménagement et de culture furent entrepris sur une large étendue, et une série d'industries furent lancées.

Mais que d'efforts, que de privations, durant ces premières années d'enfantement, pour aboutir à des résultats toujours matériellement négatifs! Il fallait chaque fois recommencer à nouveau, dans tous les domaines l'on cherchait sa voie, l'on tâtonnait, et c'était là une cause d'amertume et de récriminations constantes de la part d'une grande partie des colons de la première heure. Il faut des dons particuliers de persévérance obstinée et d'endurance pour une oeuvre de pionniers quelle qu'elle soit; et combien plus encore quand elle se poursuit dans des conditions pareilles! Beaucoup ne les possédaient évidemment pas. Beaucoup aussi s'étaient fait une idée toute fausse des conditions de la vie communautaire, et étaient complètement incapables de s'y adapter. Et puis, il y avait tous ceux qui étaient arrivés avec des idées préconçues et qui ne savaient pas y renoncer lorsque, à la pratique, ces idées se trouvaient être inapplicables.

Un grand nombre abandonnèrent la partie. Après avoir compté à un moment donné une population de plus de onze cents ressortissants (enfants compris), la colonie se trouvait réduite à quelques centaines, malgré l'arrivée presque constante de nouvelles recrues.

Ce va-et-vient de membres, les changements de méthodes, les discussions, les expériences malheureuses, tout cela pesait lourdement sur l'entreprise de Llano. Il restait cependant toujours un noyau d'hommes décidés à vaincre.

Le domaine de Californie n'était décidément pas satisfaisant: l'on reconnut la nécessité d'en chercher un autre, et en 1917 la colonie se transporta en Louisiane, dans le voisinage de la petite ville de Leesville, sur les coteaux salubres qui bordent la frontière du Texas. C'est là qu'elle réussit à obtenir à bon compte d'une grande compagnie d'exploitations forestières quelques milliers d'acres de forêt défrichée, avec une scierie et une centaine de bâtiments en bois, tout un petit village qui avait été occupé précédemment par le personnel de la scierie et qui venait de devenir vacant, l'exploitation de la forêt étant arrivée à son terme.

L'endroit fut baptisé Newllano. A l'inverse du domaine de Californie, il s'est trouvé se prêter favorablement, à bien des égards, à l'établissement de la colonie et à son développement progressif: c'est là qu'elle se trouve fixée aujourd'hui. Le site, au sommet d'une pente douce, est riant et bien aéré. Sans être de première qualité, le sol se prête pourtant bien à des cultures variées. L'eau est abondante et saine. Une voie de chemin de fer et

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une grande route nationale traversent la

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BÂTIMENT ADMINISTRATIF

propriété.

Nous ne suivrons pas la colonie dans le détail des diverses péripéties qui ont illustré ses premières étapes. Celles-ci ont été laborieuses et tourmentées. Il y eut de véritables tragédies, aussi bien en Californie que dans les deux ou trois années qui suivirent l'installation en Louisiane. A plusieurs reprises l'on parla de liquider tout, et ce n'est qu'à force de privations et grâce à la tenace énergie du noyau des fervents que tous les caps purent être doublés. Mais d'autre part, pendant cette première période, ceux des colons qui persévérèrent s'entraînèrent à fond à la vie communautaire et acquirent là une expériencequi fut précieuse à l'entreprise au cours des années qui suivirent.

En 1920, le déficit accumulé s'élevait à $ 600.000 environ, chiffre à peu prés égal au montant alors émis du capital social. La situation financière paraissait sans issue. Mais nos pionniers ne voulurent pas se tenir pour battus, ils décidèrent de réorganiser leur administration, de la placer sur une base plus commerciale, et ils appelèrent à la direction générale un des colons de la prièmière heure, Georges Pickett, homme entendu aux affaires et bon entraîneur d'hommes. C'est lui qui est encore aujurd'hui à la tête de la colonie. Depuis la nomination de M. Pickett, la petite communauté paraît être entrée dans une période comparativement paisible et graduellement progressive. Ce n'est pas à dire qu'elle ait été à l'abri des périodes de troubles. Non: un certain nombre de crises surgirent, provenant en général d'incompréhension entre des colons et les méthodes adoptées par le general manager, et aboutissant au départ d'un certain nombre de membres ou de familles. En 1924 notamment, une scission particulièrement grave se produisit. Les dissidents obtinrent la concession d'un partie des propriétés et de l'attirail de la colonie, pour former un nouveau groupement; mais leur entreprise échoua et ils durent liquider au bout de la première année. Llano se trouva ainsi considérablement appauvrie, et sa population, fort réduite à la suite de cette scission, fut dès lors insuffisante pour faire marcher normalement ses industries et ses exploitations agricoles.



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ECOLIERS EN TRAIN DE SE CONSTRUIRE LEUR NOUVEAU BÂTIMENT SCOLAIRE

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Enfin, au cours de l'année 1925, deux graves incendies vinrent encore éprouver le petit peuple de Newllano. En vrai, un vaste bâtiment industriel nouveau, dont la construction était sur le point d'être achevée, fut entièrement détruit par les flammes, ainsi que plusieurs machines fort coûteuses et un assez important matériel industriel qu'il abritait. Et à peine quelques mois plus tard, l'hôpital, charmante construction de bois, proprement aménagée, subissait un sort identique. Ces immeubles n'étaient pas assurés.

D'après le bilan au ler janvier 1926, le déficit s'élevait à cette date à un total de $ 724.000, pour un capital émis de $ 1.080.000, et l'on peut admettre qu'il n'a guère changé depuis. Il est donc de $ 120.000 environ plus élevé qu'il n'était en 1920. Mais l'augmentation paraît correspondre à peu près à la perte subie par le fait des deux incendies. C'est dire que, durant les six dernières années, soit depuis que la conduite des affaires a passé entre les mains du general manager actuel, les dépenses se seraient trouvées à peu près couvertes, à part la perte des bâtiments incendiés, soit par les recettes, soit par l'augmentation de valeur apportée par le travail des colons aux propriétés sociales.119 Nous pouvons donc admettre que le budget annuel de la colonie peut arriver à s'équilibrer, et, à moins de nouvelles catastrophes, il est permis d'entrevoir, pour un avenir pas trop éloigné, le moment où l'on commencera au contraire à amortir le déficit accumulé.

Les résultats matériels obtenus dans cette seconde période de six ans, comparés à ceux de la période de même durée qui avait précédé, marquent donc un progrès considérable, et de bon augure. Mais ce qui frappe encore davantage, c'est que les épreuves successives par lesquelles la colonie a passé ne l'ont point ébranlée. Elle en est sortie au contraire plus trempée, plus consciente de la force puisée dans l'union de ses membres, plus résolue à vaincre les obstacles qu'elle rencontrera encore évidemment sur sa route. Les lendemains des deux incendies ont été particulièrement significatifs: tandis qu'ailleurs des catastrophes analogues, survenues à des communautés en apparence plus solidement enracinées, avaient eu comme résultat de désorganiser entièrement l'entreprise et même d'entraîner la dispersion définitive et la dissolution de la colonie, ici au contraire ce fut comme un coup de fouet donné à l'énergie de nos pionniers, et ils se sont mis de suite à reconstruire avec un nouvel élan. Et cette vitalité du groupe mérite d'autant plus d'être signalée, qu'il y a par ailleurs à Llano, des défauts d'organisation et d'administration, et des erreurs de méthode, qui pèsent lourdement sur l'institution.

 

(Slot volgt)

119Il ne faudrait pas cependant tirer de ce renseignement fourni par la comptabilité de la colonie des conclusions trop catégoriques. C'est possible que Llano soit sortie maintenant de l'ère des exercices déficitaires; c'est l'impression qui s'est dégagée pour nous de notre visite de mai dernier ainsi que de nos entretiens avec le general manager et le trésorier-comptable. Mais il faut dire que la methode adoptée pour la tenue des livres ne permet pas de se rendre compte si, par ses recettes et ses profits effectifs, la société couvre ses dépenses et ses pertes. En effet, les terrains du domaine, acquis à bon compte, il y a neuf ans, ont été portés récemment dans les livres à leur valeur vénale actuelle, bien supérieure. Il a été apporté sans doute aux terrains des améliorations foncières considérables, mais il n'est pas vraisemblable que ces améliorations aient apporté à la propriété une plus-value équivalente à celle de la valeur vénale comptabilisée. Et il est encore moins vraisemblable que cette valeur vénale continue d'augmenter dans la même proportion, de sorte qu'une autre année cet accroissement conventionnel de l'actif ne se reproduira pas, ou du moins pas au même degré.